Et à l’évidence, plus le temps passe et les toiles s’accumulent, plus s’impose l’idée toute simple que la peinture est avant tout affaire de désir, de battements de cœur, devant la surprise d’une couleur, d’une forme parfaite. La modernité, grande raisonnable, craint ce sentimentalisme, le cantonne même à la grande famille des écueils à éviter, clin d’œil de midinette à la grande perfection obligatoire. Tant pis, je me raconte encore des histoires, les anecdotes me perdent, la couleur d’une ombre sur un mur, le trajet zigzagant d’une mouche dans le ciel de mon atelier.
Pierre Gangloff, Décembre 2010
Peindre aujourd’hui c’est toujours tenter la représentation du monde, mais au travers de signes neufs, c’est copier, détourner, recycler des images dont la profusion nous envahit et avec laquelle tout artiste doit créer du sens. C’est ce que fait Pierre Gangloff en développant un travail sur les paysages étrangement déformés par la captation des écrans Google, ceux dans lesquels, même renseignés sur notre position exacte confirmée par les satellites, nous sommes toujours un peu égarés. Des paysages dans le vague comme on le dit de certains terrains, des lieux dont il révèle la puissance géopoétique. Images de notre quotidien numérique où s’impose, dans le souvenir des maîtres anciens, dans cet étrange entre-deux qu’il crée entre photographie et peinture, une réalité nouvelle et ultra contemporaine. On imagine Pierre Gangloff lors de cette résidence de quelques semaines qu’il fit à Tanger fin 2013, relevant du regard de grandes feuilles d’acanthe dans le souvenir de celle sculptées aux chapiteaux de Bassae, puis les pins et les eucalyptus de la Mandoubia au-dessus des tombes clairsemées. On le voit dans sa déambulation lente, traversant le parc comme on parcourt les salles d’un musée personnel, avec de temps à autre l’étonnement de retrouver dans ces paysages les ciels de Poussin, les ocres de Rembrandt, la lumière d’un cinq heures de l’après-midi, « mélancoliquement délicieuse et féconde, cette heure dit-il, où chaque jour il abandonne la préméditation du meurtre de la peinture. »
Bernard Collet, Mars 2014
Tanger bucolique ? La peinture de Pierre Gangloff nous le ferait croire. Au cœur de cette ville, entre La Chapelle Saint-Andrews et la Mendoubia, après avoir cheminé entre un cimetière anglais et une longue prairie parsemé de stèles musulmanes, on se repose non pas, tel le berger de Virgile, sub tegmine fagi, -sous le feuillage d’un hêtre-, mais à l’ombre d’un ficus multi centenaire. Pierre Gangloff à déjà exposé à Tanger en 2012 avec Amina Benbouchta et Daniel Buren. L’exposition donnait à voir son travail sur le détournement des images tirées d’internet. (…) Séduit par la ville, il y est revenu pour une résidence en 2013, l’artiste y a connu, écrit-il la pluie, la douceur, la violence, la remise en question de mon travail, de sa vie. Il a produit des gravures, des dessins autour d’un lieu, le parc de Mendoubia. L’expérience de la vie à Tanger n’est certes pas celle de l’Arcadie chantée par Virgile. C’est plutôt le pays des Lotophages, ceux de Circée. Bacon y a connu une terrible descente aux enfers. On n’en sort pas indemne. Conscient de cela, Pierre Gangloff, solitaire, à arpenté ces collines, et a saisi cette végétation d’arbres géants et d’acanthe. Il y a poursuivi une étonnante réinvention de l’art du paysage. Le paysage traverse l’histoire de la peinture du 20e siècle, des flamands à Kandinsky et Staël en passant par Turner, Monet et Cézanne. Mais aujourd’hui la photographie, par les très grands formats d’un Andreas Gursky ou d’un Jean-Marc Bustamante, a supplanté la peinture. Le Land Art, pour sa part a fait des espaces natures des composition in situ. Le paysage disparaît donc de la peinture avec la peinture elle-même. Prenant l’histoire à rebours, il se joue de la photographie pour peindre. Il détourne les clichés, les siens et ceux de Google Earth et de Google Street, pour revenir à l’expérience primitive de Conrad Witz, premier peintre d’un paysage réaliste en 1444, comme aux parabole de Nicolas Poussins. La peinture vit. Le paysage est habité. Les bergers hantent toujours les collines de Tanger. Grâce à Pierre Gangloff, ils de sont pas si loin des Bergers d’Arcadie de Poussin. Cette dernière toile, intitulée aussi Et in Arcadia ego nous ramène, pour finir, à la thématique qui traverse l’exposition. La locution latine qui déchiffrent les bergers sur le monument funéraire signifie « Moi(la mort), je suis aussi en Arcadie (le pays des délices) ».
Alexandre Pajon, directeur de l’Institut français de Tanger,
Pour l’exposition Bonne chance alors.
Et à l’évidence, plus le temps passe et les toiles s’accumulent, plus s’impose l’idée toute simple que la peinture est avant tout affaire de désir, de battements de cœur, devant la surprise d’une couleur, d’une forme parfaite. La modernité, grande raisonnable, craint ce sentimentalisme, le cantonne même à la grande famille des écueils à éviter, clin d’œil de midinette à la grande perfection obligatoire. Tant pis, je me raconte encore des histoires, les anecdotes me perdent, la couleur d’une ombre sur un mur, le trajet zigzagant d’une mouche dans le ciel de mon atelier.
Pierre Gangloff, Décembre 2010
Peindre aujourd’hui c’est toujours tenter la représentation du monde, mais au travers de signes neufs, c’est copier, détourner, recycler des images dont la profusion nous envahit et avec laquelle tout artiste doit créer du sens. C’est ce que fait Pierre Gangloff en développant un travail sur les paysages étrangement déformés par la captation des écrans Google, ceux dans lesquels, même renseignés sur notre position exacte confirmée par les satellites, nous sommes toujours un peu égarés. Des paysages dans le vague comme on le dit de certains terrains, des lieux dont il révèle la puissance géopoétique. Images de notre quotidien numérique où s’impose, dans le souvenir des maîtres anciens, dans cet étrange entre-deux qu’il crée entre photographie et peinture, une réalité nouvelle et ultra contemporaine. On imagine Pierre Gangloff lors de cette résidence de quelques semaines qu’il fit à Tanger fin 2013, relevant du regard de grandes feuilles d’acanthe dans le souvenir de celle sculptées aux chapiteaux de Bassae, puis les pins et les eucalyptus de la Mandoubia au-dessus des tombes clairsemées. On le voit dans sa déambulation lente, traversant le parc comme on parcourt les salles d’un musée personnel, avec de temps à autre l’étonnement de retrouver dans ces paysages les ciels de Poussin, les ocres de Rembrandt, la lumière d’un cinq heures de l’après-midi, « mélancoliquement délicieuse et féconde, cette heure dit-il, où chaque jour il abandonne la préméditation du meurtre de la peinture. »
Bernard Collet, Mars 2014
Tanger bucolique ? La peinture de Pierre Gangloff nous le ferait croire. Au cœur de cette ville, entre La Chapelle Saint-Andrews et la Mendoubia, après avoir cheminé entre un cimetière anglais et une longue prairie parsemé de stèles musulmanes, on se repose non pas, tel le berger de Virgile, sub tegmine fagi, -sous le feuillage d’un hêtre-, mais à l’ombre d’un ficus multi centenaire. Pierre Gangloff à déjà exposé à Tanger en 2012 avec Amina Benbouchta et Daniel Buren. L’exposition donnait à voir son travail sur le détournement des images tirées d’internet. (…) Séduit par la ville, il y est revenu pour une résidence en 2013, l’artiste y a connu, écrit-il la pluie, la douceur, la violence, la remise en question de mon travail, de sa vie. Il a produit des gravures, des dessins autour d’un lieu, le parc de Mendoubia. L’expérience de la vie à Tanger n’est certes pas celle de l’Arcadie chantée par Virgile. C’est plutôt le pays des Lotophages, ceux de Circée. Bacon y a connu une terrible descente aux enfers. On n’en sort pas indemne. Conscient de cela, Pierre Gangloff, solitaire, à arpenté ces collines, et a saisi cette végétation d’arbres géants et d’acanthe. Il y a poursuivi une étonnante réinvention de l’art du paysage. Le paysage traverse l’histoire de la peinture du 20e siècle, des flamands à Kandinsky et Staël en passant par Turner, Monet et Cézanne. Mais aujourd’hui la photographie, par les très grands formats d’un Andreas Gursky ou d’un Jean-Marc Bustamante, a supplanté la peinture. Le Land Art, pour sa part a fait des espaces natures des composition in situ. Le paysage disparaît donc de la peinture avec la peinture elle-même. Prenant l’histoire à rebours, il se joue de la photographie pour peindre. Il détourne les clichés, les siens et ceux de Google Earth et de Google Street, pour revenir à l’expérience primitive de Conrad Witz, premier peintre d’un paysage réaliste en 1444, comme aux parabole de Nicolas Poussins. La peinture vit. Le paysage est habité. Les bergers hantent toujours les collines de Tanger. Grâce à Pierre Gangloff, ils de sont pas si loin des Bergers d’Arcadie de Poussin. Cette dernière toile, intitulée aussi Et in Arcadia ego nous ramène, pour finir, à la thématique qui traverse l’exposition. La locution latine qui déchiffrent les bergers sur le monument funéraire signifie « Moi(la mort), je suis aussi en Arcadie (le pays des délices) ».
Alexandre Pajon, directeur de l’Institut français de Tanger,
Pour l’exposition Bonne chance alors.